Penser
à la vie ailleurs nous oblige à déployer notre imagination.
La Terre a choisi une voie particulière de solution des problèmes
biologiques, y en a-t-il d'autres ?
L'évolution de la vie sur la Terre est le produit d'événements
hasardeux, de mutations aléatoires, et d'improbables percées individuelles
; de petites différences apparues très tôt dans l'évolution de
la vie acquièrent par la suite une profonde signification. S'il
fallait recommencer à zéro sur la Terre, et laisser, de nouveau,
opérer le jeu des mutations aléatoires, on aboutirait sûrement
à quelque chose qui n'aurait rien à voir avec l'homme. Dans ces
conditions, les chances sont encore plus faibles que des organismes
produits par cinq milliards d'années ou plus d'évolution indépendante,
sur une planète d'un système solaire fort éloigné, nous ressemblent.
Un autre cliché souvent rencontré dans les livres d'astronomie
populaire lorsqu'il est question des autres planètes est : "la
vie telle que nous la connaissons", est impossible sur telle ou
telle planète. Mais qu'est-ce que la vie telle que nous la connaissons
?
Le chauvinisme de l'oxygène est fort répandu. Si une planète est
dépourvue d'oxygène, on la déclare inhabitable. Une telle conception
méconnaît le fait que la vie a surgi sur la Terre en l'absence
d'oxygène. Le chauvinisme de l'oxygène aboutit à la démonstration
logique que la vie est impossible où que ce soit. Fondamentalement,
l'oxygène est un gaz toxique. Il se combine chimiquement avec
les molécules organiques dont est composée la vie terrestre, et
les détruit. Il y a beaucoup d'organismes sur Terre qui se passent
d'oxygène, et beaucoup d'autres qu'il empoisonne. Aucun des premiers
organismes terrestres n'utilisait la molécule d'oxygène O2.
Dans un brillant éventail de formes d'adaptation suscitées par
l'évolution, des organismes comme les insectes, les batraciens,
les poissons, les humains apprirent non seulement à survivre en
présence de ce gaz toxique, mais à s'en servir pour accroître
l'efficacité de la métabolisation de la nourriture. Mais cela
ne doit pas nous masquer le caractère fondamentalement toxique
de ce gaz. L'absence d'oxygène sur une planète ne peut, dans ces
conditions, être un argument valable contre la présence de la
vie.
Il y a aussi le chauvinisme de l'ultra-violet. A partir de l'oxygène
de l'atmosphère terrestre, une variété de la molécule d'oxygène
O3, appelée ozone, est produite dans la haute atmosphère terrestre.
Cette couche d'ozone absorbe les rayons ultra-violets de moyenne
longueur d'ondes en provenance du soleil, les empêchant ainsi
d'atteindre la surface de notre planète. Ces rayons sont germicides
et détruisent l'adn. On s'en sert couramment, via des lampes à
ultra-violet, pour stériliser les instruments chirurgicaux. De
forts rayons ultra-violets émanant du soleil représentent une
menace extrêmement sérieuse pour toute forme de vie sur la Terre.
Mais c'est parce que les formes de vie terrestre ont évolué en
l'absence d'un fort rayonnement ultra-violet. On peut imaginer
des mécanismes adaptateurs qui protègent les organismes contre
la lumière ultra-violette. Le bronzage solaire et la pigmentation
de la peau sont des adaptations en ce sens. De telles adaptations
n'ont pas été poussées très loin dans la plupart des organismes
terrestres parce que le rayonnement ultra-violet n'est pas très
élevé sur Terre. la plupart des sols et des roches absorbent fortement
la lumière ultra-violette et l'on peut imaginer des organismes
qui se promèneraient, portant sur leur dos de petits boucliers
anti-ultra-violets (genre tortues).
Il y a le chauvinisme de la température, on dit que les températures
glaciales rendent impossible la vie là-bas. Mais ces basses températures
ne concernent pas toujours toute la planète. Elles concernent
généralement les couches de nuages extérieurs. Il est maintenant
fermement établi, à la fois par la théorie et les observations
radio de ces planètes, que la température augmente lorsqu'on traverse
la couche de nuages. Il y a toujours une région dans les atmosphères
de Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, où la température est
fort confortable selon les critères terrestres.
Mais pourquoi faudrait-il des températures terrestres pour que
la vie prolifère ? Il est fort inconfortable pour un être humain
de connaître une hausse ou une baisse de température corporelle
de seulement 20 degrés. Est-ce parce que nous avons la chance
de vivre sur la seule planète du système solaire dont la température
permet le développement de la vie ? Ou bien est-ce notre biochimie
qui s'est progressivement adaptée à la température de la planète
sur laquelle nous avons évolué ? Autres températures, autres processus
biochimiques.
Le chauvinisme du carbone soutient que, partout ailleurs dans
l'univers, les systèmes biologiques sont construits à partir de
composés du carbone, comme l'est la vie sur notre planète.
Il y a pourtant des alternatives concevables : le silicium ou
le germanium peuvent participer à certaines réactions chimiques
de façon analogue au carbone. Il est vrai aussi que l'on s'est
beauoup plus intéressé à la chimie organique du carbone qu'à celle
du silicium ou du germanium. Néanmoins, à partir de ce que nous
savons déjà, il apparaît clairement que - sauf à de très basses
températures - une beaucoup plus large gamme de composés complexes
peut être construite à partir du carbone qu'à partir de ces substituts.
De plus, le carbone est beaucoup plus abondant dans le cosmos
que le silicium, le germanium, ou autres substituts. Partout dans
l'univers, et en particulier dans les milieux planétaires primitifs
où surgit la vie, il y a tout simplement plus d'atomes de carbone
que d'atomes de substances alternatives disponibles pour former
des molécules complexes. Avec les études radioastronomiques du
milieu interstellaire, nous observons une profusion de molécules
organiques qui vont du simple au complexe, produites spontanément
par un large éventail de sources énergétiques. Aussi est-il probable
qu'à la fois les atomes et les molécules dont nous sommes faits
sont communs à tous les organismes de l'univers. Mais la voie
spécifique d'assemblage de ces molécules, et donc les formes et
la physiologie des organismes extra-terrestres peuvent, en raison
de leur passé évolutif autonome, se révéler extrêmement différents
de ce à quoi nous sommes accoutumés sur notre planète.
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